Capriccio de Strauss

Le dernier opéra de Richard Strauss, Capriccio, révèle toute sa sensibilité dans cette production du Teatro Real, mise en scène par le très apprécié Christof Loy, et dirigée par un véritable expert de Strauss, Asher Fisch ! Créé à Munich en 1942, cette « conversation musicale » en un acte s’inspire de Prima la musica e poi le parole (« d’abord la musique et ensuite les mots ») composé par Salieri, qui reprend la querelle qui opposa les partisans du compositeur italien Piccinni à ceux de l’allemand Gluck, au XVIIIe siècle. Si pour les premiers, la suprématie du texte sur la musique est sans conteste, pour les seconds c’est la musique qui prédomine. Dans ce chef-d'œuvre lyrique aux accents comiques, qui tranchent avec ses précédentes tragédies comme Salomé ou Elektra, Strauss injecte ses propres pensées dans cet éternel débat : entre musique et poésie, quelle discipline est la plus importante ?

Le livret de Clemens Krauss met en scène un cercle d’artistes dans un château près de Paris en 1775, lors des répétitions d’un spectacle en l’honneur de l’anniversaire de la belle Comtesse Madeleine (Malin Byström), veuve depuis peu. Le poète Olivier (Andrè Schuen) et le musicien Flamand (Norman Reinhardt), tous deux amoureux de Madeleine, se disputent ses faveurs à la lumière d’un cadeau préparé par chacun pour l’occasion : une ode pour le premier et un sextuor à cordes pour le second. Mais cette rivalité amoureuse se teinte rapidement des couleurs d’un conflit plus profond, pour déterminer qui, de la poésie ou de la musique, a la primauté dans l’opéra. Tandis que La Roche (Christof Fischesser), le directeur du théâtre tente tant bien que mal de les réunir, Le Comte (Josef Wagner), frère de Madeleine, fait valoir sa préférence pour le texte, préférence motivée par son attirance pour la captivante actrice Clairon (Theresa Kronthaler). Dans ce défilé de démonstrations musicales et littéraires, tableau d'une époque foisonnante de références culturelles, qui de la poésie ou de la musique saura conquérir le cœur de la Comtesse Madeleine ?

Photo © Javier del Real