Concert

Le quatuor Takács interprete Rihm et Beethoven

Rihm : Quatuor n°11 (Création française) – Beethoven : Quatuor n°14

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Programme

Wolfgang Rihm : Onzième quatuor à cordes

Le quatuor à cordes occupe une place de choix dans le riche catalogue (près de trois cent cinquante œuvres) de Wolfgang Rihm : à l'époque de son Cinquième Quatuor (1981-83), Rihm en parlait lui-même comme d'« un mot magique », exprimant « le caractère secret de l'art ». Cette formation, mélange paroxystique de concentration et d'expressivité, est en tout cas l'une de celles où ont pu le mieux s'exprimer le sens narratif, la « nouvelle simplicité » qui ont fait de lui le plus joué des compositeurs allemand de sa génération (il est né en 1952) – et permis à cet élève précoce de Fortner, Stockhausen et Klaus Huber de livrer, tout en s'inscrivant dans cette glorieuse lignée austroallemande qui va de Beethoven à la Seconde Ecole de Vienne, de Mahler à Lachenmann, une œuvre irrésistiblement protéiforme. Même pour un adepte tel que lui du « work in progress », la genèse de ce Onzième Quatuor a été longue – à tel point que sa création à Essen, en janvier à Essen et en octobre à New York a suivi de huit années celle… du Douzième Quatuor !

Wolfgang Rihm a en effet commencé à y travailler dès 1997, à la demande de Peter Heid, ami du quatuor Takacs et dédicataire de cette partition. Partant de nombreuses esquisses éparses auxquelles il envisage d'abord d'adjoindre une voix de baryton, il se retrouvera bientôt face à un « bloc » que son carnet de commandes le contraint à laisser à l'état de ruine ; il n'y reviendra qu'entre 2002 et 2004, pour en faire son Etude pour quatuor (son désir de vocalité s'épanchant quant à lui dans Solo e pensoso, pour baryton, alto et harpe, sur deux sonnets de Pétrarque). Une Etude pour Quatuor dont il a ensuite, à sa manière, développé et enrichi la « constellation », temporellement et verticalement, pour en faire le présent Onzième Quatuor : une manière à la fois prodigieusement érudite et fluide, procédant d'un peintre – ces accumulations de strates successives, ce sens de la couleur – autant que d'un sculpteur et d'un poète – par sa vocation totalisante, cette importance accordée à la forme mais surtout à sa respiration, sa qualité organique, à cette « vibration entre des signes »* qui selon lui définit la musique. Il s'agit d'un quatuor d'un seul tenant (sans interruption) d'une durée d'environ trente minutes qui se compose de différentes parties discrètement intégrées au tout et qui s'imbriquent les unes dans les autres grâce à un processus continuel d'osmose et de transformation. La structure principale est plutôt fluide et en perpétuel changement suivant un développement thématique traditionnel. Rihm nous invite en effet « à penser la musique comme prenant la forme d'une rivière, comme le mouvement de la substance du son, comme l'émotion en forme ». Les interactions entre les quatre instruments sont un mélange de conversation intime et d'excitation agressive, presque violente, et de gestes furieux avec un oasis de calme au centre sorte d'interlude composé de longues notes tenues, d'accords lents qui donnent un bref aperçu d'une paix harmonieuse avant le « tohu bohu ».

Rihm est classé parmi les compositeurs dits néo-classiques ou post modernes mais aucun adjectif ou aucune classification de ce type ne peut rendre justice au véritable kaléidoscope d'influences que l'on retrouve dans son travail. Sa connaissance encyclopédique de l'histoire de la musique l'a guidé vers un système éclectique dans lequel passé et présent coexistent. Il est particulièrement lié à Schumann et cite souvent l'exemple de ce qu'il appelle « prose libre » ou « musique qui se renouvèle d'elle-même à chaque instant ».

Beethoven – Quatorzième quatuor à cordes en ut dièse mineur opus 131

Dans l'imposant corpus des derniers quatuors à cordes de Beethoven, l'opus 131 est sans conteste le plus audacieux et le plus expérimental. Dans cette œuvre qui l'accapara durant la majeure partie de l'année 1826, et qui fait ainsi figure d'œuvre testamentaire, jamais le compositeur n'avait repoussé aussi loin les limites des formes classiques. De l'austère fugue initiale à la tension presque insoutenable du finale, Beethoven, pourtant peu indulgent envers ses propres œuvres, reconnaissait que l'inventivité y était constante tout au long des quelques quarante minutes que dure le quatuor. Entre autres innovations, dans un souci de continuité du discours musical, les sept mouvements de l'œuvre, de durées extrêmement variables pouvant aller de quelques mesures aux quatre cents du finale, s'enchaînent sans interruption dans une construction en arche où domine le thème et variations du quatrième mouvement. Comme souvent chez le dernier Beethoven, celles-ci partent d'un air simple et chantant pour s'élever au fil de ses transformations vers des hauteurs insoupçonnées. A l'écoute de l'œuvre, on ne peut que comprendre le désarroi de Schubert se demandant ce qu'il était encore possible de composer après cela.

Musée du Louvre : Henri Loyrette, président directeur ; Monique Devaux, directeur artistique des concerts

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