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Christoph Eschenbach dirige Mahler, Symphonie n°6, « Tragique »

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En partenariat avec Christoph Eschenbach, l'Orchestre de Paris et LGM

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« La seule Sixième, en dépit de la Pastorale », écrivit Alban Berg à propos de cette symphonie de Mahler.

C'est dire l'importance de cette œuvre pour certains compositeurs des générations ultérieures. Elle est en effet remarquable par l'économie de ses principes d'écriture, par la logique rigoureuse de sa construction, par les alliages savamment agencés de ses timbres instrumentaux. Mais au fur et à mesure du déroulement de ses quatre mouvements, elle apparaît, plus encore peut-être, changer d'unité conceptuelle de base, en destituant le thème classico-romantique au profit de la cellule motivique. C'est pourquoi la Sixième symphonie de Mahler peut aussi s'entendre comme le tombeau du thématisme.

La Sixième Symphonie de Mahler appartient à une trilogie de symphonies instrumentales, inaugurée par la Cinquième en 1901-1902. Dans les quinze années qui avaient précédé, toutes ses œuvres intégraient en effet la voix. La Cinquième, qui voyait Mahler revenir à la composition purement instrumentale, marquait donc un tournant dans sa production et cela d'autant plus qu'avec cette symphonie il renonçait aussi explicitement à tout programme extramusical. Du point de vue du langage ensuite, Mahler affirmait un principe de développement continu, faisant que les complexes thématiques apparaissaient clairement régis par le procédé de la variante. Les matériaux thématiques les plus hétérogènes étaient de plus superposés selon des techniques d'écriture relevant à la fois du montage et du contrepoint. La déhiérarchisation des familles instrumentales qui en résultait, conduisait à un éclatement de l'orchestre symphonique traditionnel.

Deuxième symphonie de cette trilogie instrumentale, la Sixième mène encore plus loin cette recherche : « Ma Sixième, déclara en effet le compositeur, va poser à l'avenir des énigmes que seule pourra tenter de résoudre la génération qui aura avalé et digéré les cinq premières ». C'est assurément l'une de ses œuvres les plus abouties, les plus difficiles aussi, celle qu'ont le plus admirée les compositeurs de la seconde école de Vienne, Schoenberg, Berg et Webern. Ainsi Schoenberg en a loué la forme qui permet que « tout soit partie intégrante […] de l'ensemble, même l'extension thématique la plus lointaine ». Car, comme le précise Henry-Louis de La Grange, l'œuvre est bâtie à partir d'un nombre restreint de motifs qui, en se combinant, produisent une infinité de figures d'identité changeante. Mais en plus de ce principe d'économie qui la régit de part en part, la Sixième frappe par l'implacable progression de son déroulement, qui donne l'impression d'une œuvre inexorablement attirée par sa fin. Aussi peut-on s'étonner de ce que, pour une symphonie d'écriture aussi hardie, Mahler ait eu parallèlement recours à la forme classique en quatre mouvements, qu'il n'avait pas respectée depuis sa Première Symphonie. Mais cette contradiction n'en est en fait pas une. Car, en apparaissant ne pas pouvoir échapper à ce cadre rigide imposé, très clairement perceptible, la Sixième Symphonie voit son caractère implacable renforcé.

C'est probablement en raison de ce caractère que l'œuvre doit d'avoir été qualifiée de « Tragique », par Mahler lui-même, lors de la première exécution viennoise de l'œuvre, puis par nombre de commentateurs, bien que Mahler ait ensuite retiré ce qualificatif. Mais aujourd'hui, où notre écoute est surtout sensible à la jubilation sonore des timbres de l'orchestre mahlérien, la perception de cet aspect est pour le moins relative. De toute façon, Mahler – le compositeur, à défaut de l'homme – est trop maître de la distanciation pour pouvoir adhérer à des positions idéologiques aussi univoques. De même que la fin « heureuse » en forme de choral de la Cinquième Symphonie sonnait de façon volontairement moqueuse, voire nihiliste, de même le « tragique » chez Mahler ne saurait apparaître sans sa contrepartie d'humour. De plus, avec la Sixième, Mahler renonce à ses citations coutumières de musiques populaires, type ländler, qui lui servaient souvent de matériau de base à transformer, si bien que cette symphonie est beaucoup moins chargée de connotations que les précédentes. Bien plus, une écoute sans a priori de la Sixième montre que le « drame » qui s'y joue est d'abord celui de la musique elle-même. (…)

Guy Lelong

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