Ballet

La Fille mal gardée de Sir Frederick Ashton

Nadia Nerina, David Blair et Stanley Holden – Royal Ballet London

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Casting

Sir Frederick Ashton — Chorégraphe

John Lanchbery — Arrangeur

Osbert Lancaster — Décors

Nadia Nerina — Lise

David Blair — Colas

Stanley Holden — Veuve Simone

Alexander Grant — Alain

Leslie Edwards — Thomas

Franklin White — Un notaire

The Royal Ballet

Orchestra of the Royal Opera House, Covent Garden

John Lanchbery — Chef d'orchestre

Programme

Une archive de 1962, enregistrée par la BBC avec le Royal Ballet de Londres et sa danseuse star, Nadia Nerina.

En 1789, pour la première à Bordeaux, La Fille mal gardée s’intitulait Le Ballet de la paille ou Il n’est qu’un pas du mal au bien. Les titres du 18e siècle ne brillent certainement pas par leur concision, mais bien malin celui qui devinerait que ce ballet met en scène une simple d’histoire d’amours contrariées par la mère de la demoiselle, une mêle-tout qui a un autre candidat en vue.

Jean Dauberval est crédité de la chorégraphie originale sur une partition qui est en fait un pastiche de chansons et d’airs populaires, avec notamment de le musique de Joseph Haydn. Juste deux ans plus tard, il montera cette œuvre, rebaptisée La Fille mal gardée, au Pantheon Theatre de Londres, avec le Ballet of the King. D’autres productions suivront, à Venise, Naples, Marseille et Lyon.

Toutefois, c’est en Russie que La Fille mal gardée s’est le mieux acclimatée, enchaînant les succès. La première représentation eut lieu à Moscou en 1800, dans une chorégraphie de Giuseppe Solomoni sur la musique du pastiche original. La première à Saint-Pétersbourg eut lieu quelques années plus tard, en 1818, dans une production de Charles Didelot, un élève de Dauberval. En 1845, le public du théâtre du Bolchoï eut la primeur d’une version du ballet sur une musique de Ferdinand Hérold. La partition, considérée comme perdue, fut redécouverte par le spécialiste de l’histoire du ballet Ivor Guest et servit de base à la production du Ballet Royal en 1960. Par la suite, certaines chorégraphies connurent un succès particulier, comme celle de Petipa et Ivanov à Saint-Pétersbourg, en 1885, et celle d’Alexandre Gorski pour le Ballet du Bolchoï à Moscou, en 1901.

Bien que plusieurs productions de La Fille mal gardée aient été montées en Occident, il fallut attendre 1940 pour que l’œuvre soit présentée au public américain, dans une version de Bronislava Nijinska basée sur la chorégraphie de Petipa/Ivanov/Gorski avec l’American Ballet Theatre. Actuellement, l’œuvre figure régulièrement au répertoire des grandes ou moins grandes compagnies d’Amérique du Nord comme du Sud.

Parmi toutes les productions que cette œuvre vénérable a connues, celle qui fut réalisée par Frederick Ashton avec le Ballet Royal de Londres est considérée comme la version de référence. La Fille mal gardée est une comédie brossée à larges traits autour de la veuve Simone (rôle traditionnellement tenu par un travesti) et du balourd Alain. Un humour doux-amer caractérise la cour que se font Colas et Lise. Ashton a magnifiquement équilibré les aspects comiques avec les grands moments chorégraphiques. Le Pas de deux de Lise et Colas est une de ses créations les plus inspirées, tandis que la « Danse du coq et des poules », juste après l’introduction, et la « Danse des claquettes » de la veuve Simone, à l’acte I, sont tout simplement hilarantes.

Ashton n’a pas travaillé dans le vide. Il existait suffisamment d’informations sur les productions précédentes de La Fille mal gardée pour qu’il puisse se baser sur celles-ci. En outre, il fut assisté par Tamara Karsavina dont le professeur, Pavel Gerdt, avait été le partenaire de plusieurs ballerines qui dansèrent le rôle de Lise dans des productions qui remontaient jusqu’à la fin du 19e siècle.

La partition de la version présentée ici est un amalgame de l’original de Hérold, de nouveaux morceaux écrits par John Lanchbery, chef d’orchestre au Royal Opera House de Covent Garden, d’extraits du pastiche qui servit de musique pour la production originale et, pour la « Danse des claquettes », de la musique de Peter Ludwig Hertel utilisée dans certaines versions du ballet à partir de 1864. Si cette partition semble manquer d’homogénéité, elle est néanmoins très efficace et accompagne élégamment la chorégraphie fantasque d’Ashton.

L’histoire de La Fille mal gardée est aussi simple que son décor bucolique. Lise et Colas sont amoureux et souhaitent se marier. La mère de Lise, la veuve Simone, a cependant d’autres projets pour sa fille. Elle a arrangé un contrat de mariage entre Lise et Alain, un idiot mais le fils du riche propriétaire terrien Thomas. Malgré toutes les tentatives de la veuve Simone pour empêcher Lise et Colas de se voir, ils réussissent à se retrouver. Le jour du mariage de Lise et Alain, celle-ci a caché Colas dans sa chambre. La noce arrive et Lise est envoyée dans sa chambre pour revêtir sa robe de mariée. Quand Alain vient la chercher pour la cérémonie, elle apparaît en robe de noces au bras de Colas. Furieux, Thomas déchire le contrat de mariage. Lise et Colas supplient la veuve Simone de bénir leur union. Elle se laisse fléchir. La joie et le bonheur règnent.

La Fille mal gardée d’Ashton fut créée le 28 janvier 1960, au Royal Opera House de Covent Garden. Nadia Nerina dansait Lise, David Blair était Colas, Stanley Holden, la veuve Simone, Alexander Grant tenait le rôle d’Alain et Leslie Edwards celui de Thomas. Etant donné la réputation dont ce ballet jouit aujourd’hui, on imagine des critiques dithyrambiques. Bien que le succès ait été au rendez-vous, quelques réserves furent cependant émises mais elles disparurent après les représentations suivantes. Finalement, la création d’Ashton devint l’une des œuvres favorites du répertoire. Reprise par des dizaines de compagnies dans le monde entier, elle fut dansée par quelques-unes des plus grandes étoiles.

Deux ans plus tard, la distribution de la première fut à nouveau réunie pour l’enregistrement de la BBC repris ici. On pourrait difficilement imaginer représentation plus aboutie : Nerina et Blair sont absolument parfaits dans leurs rôles, aussi bien techniquement que dramatiquement. Travesti en veuve Simone, Holden est impayable et sa « Danse des claquettes » une merveille de lourdeur, tandis que l’Alain d’Alexander Grant et le Thomas de Leslie Edwards sont interprétés avec une modération judicieuse.

La passion d’Ashton pour ce ballet captivant s’exprime dans ce commentaire : « Dans mon imaginaire, il existe une vie au pays de l’éternel printemps, une verte pastorale d’ensoleillement perpétuel et de bourdonnements d’abeilles – le silence suspendu d’un paysage de mon Suffolk bien-aimé peint par Constable, lumineux et calme. » Ce n’est pas le calme qui caractérise cette comédie souvent tumultueuse, mais le soleil brille partout dans le rayonnant chef-d’œuvre d’Ashton.

Ernie Gilbert
Traduction : Sophie Liwszyc

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