Léo Delibes et le romantisme
Au cours de ses études, Delibes côtoie Adolphe Adam, musicien et compositeur français émérite que l’on associe bien volontiers au genre du ballet romantique. Léo Delibes propose alors une version étoffée du célèbre ballet Le Corsaire (1856), dont la musique est signée de son professeur, en 1858. De même, il prend part à la composition musicale du ballet La Source, de concours avec le maître austro-hongrois Léon Minkus. Il fait ainsi de premiers pas très remarqués dans le genre du ballet, dont il se fait la nouvelle figure de proue. On lui confie la composition du ballet Coppélia, la fille aux yeux d’émail, plus connu sous le simple titre de Coppélia, d’après un conte d’Hoffmann mettant en scène le Docteur Coppélius et sa poupée mécanique, sur une commande de l’Opéra rue Le Peletier, en 1870. Cette pièce lui rapporte un franc succès auprès du public comme des musiciens, dont notamment Tchaïkovski. Six ans plus tard, son succès se vérifie avec le ballet Sylvia ou la nymphe de Diane, créé à l’Opéra Garnier en tant que premier ballet de l’institution, d’après un livret de Jules Barbier et de Jacques de Reinach et qui fait figurer un chapitre de la mythologie grecque. Avec ces deux œuvres, Delibes transcende le genre musical du ballet, en proposant une pièce musicale à part entière plutôt qu’un simple accompagnement aux variations dansées.
Léo Delibes, maître de la mélodie
Ses activités de chef de chœur et l’influence plausible du métier de tragédienne pour la Comédie-Française de sa belle-mère produisent chez Léo Delibes un attrait particulier pour l’art lyrique, plus particulièrement pour les genres de la mélodie, de l’opéra et de l’opérette. Lorsqu’il rejoint le Théâtre-Lyrique, Léo Delibes propose ses premières compositions à un théâtre voisin, le Théâtre Déjazet, anciennement les Folies-Nouvelles ; en 1856, Deux sous de charbon, Deux vielles gardes, Six demoiselles à marier ; en 1861, Les musiciens de l’Orchestre… Ces œuvres, dont les partitions sont pour certaines perdues, assoient les prémices du succès grandissant de Léo Delibes, dans le genre de l’opérette tout d’abord. En 1874, le musicien compose la mélodie « Les filles de Cadix », d’après un poème d’Alfred de Musset. Son style hispanisant et son aspect théâtral en font l’une des mélodies les plus célèbres du compositeur, parmi la cinquantaine qui nous est parvenue. En 1879 et 1882, sa musique accompagne les répliques des comédiens de la Comédie-Française dans les pièces Ruy Blas et Le Roi s’amuse de Victor Hugo. Il travaille notamment à la reprise de danses anciennes pour accompagner les scènes. Léo Delibes s’illustre enfin dans le genre de l’opéra avec son œuvre la plus célèbre, Lakmé, d’après une nouvelle de Pierre Loti, Le mariage de Loti. Cette œuvre majeure du romantisme français met en scène la fille d’un prêtre de Brahma et un officier britannique, épris l’un de l’autre, dans une histoire d’amour impossible dans les Indes du 19e siècle. Créée à l’Opéra-Comique en 1883, certains de ses airs sont aujourd’hui mondialement connus. La jeune Lakmé est incarnée par une soprano colorature, rôle central dans le répertoire de la tessiture. Son air, « Scène et Légende de la Fille du Paria », est une démonstration tant musicale que vocale dans laquelle se sont illustrées des interprètes émérites telles que Mady Mesplé ou Natalie Dessay. Le « Duo des Fleurs » entre la jeune fille et sa suivante Mallika propose un chant polyphonique bien connu et largement utilisé dans la culture populaire. Outre l’aspect vocal spectaculaire, cet opéra est le fruit de plus de deux années de réflexion et de recherches : le musicien fait ainsi tinter dans sa partition des mélodies, mélismes et procédés d’instrumentation qu’il est allé recueillir notamment en Turquie, dans la lignée d’un courant orientaliste particulièrement favorable aux formes d’exotisme. L’œuvre figure parmi les plus jouées sur les scènes internationales contemporaines. Après ce triomphe, Léo Delibes débute la composition de l’opéra Kassya, dont Jules Massenet contribue à l’orchestration. Cette ultime pièce demeure inachevée.