Biographie
La jeunesse à Crémone et les premiers succès
Jeunesse
Compositeur baroque aujourd’hui considéré comme le père de l’opéra, Claudio Monteverdi serait né en 1567. La date exacte de sa naissance n’a pas traversé le temps, tout comme les détails de son enfance, dont on ne sait aujourd’hui que bien peu de choses. Baptisé à Crémone le 15 mai 1567, aîné d’une fratrie de cinq, fils d’un médecin estimé, il grandit dans cette petite ville du nord de l’Italie alors sous domination espagnole. Posée au bord du Pô, entre Milan et Parme et non loin de Mantoue, la ville de Crémone est alors l’un des foyers musicaux majeurs d’Europe. On y fabrique les meilleurs luths et les plus fines violes : des instruments qui voyagent vers les cours et les chapelles d’Italie, de France ou d’Allemagne. Tout au long de sa vie, Crémone restera pour Monteverdi un havre de paix, un lieu d’enfance, et son tout premier contact avec la virtuosité musicale.
Formation
Né à la charnière de la Renaissance et du baroque, Monteverdi reçoit une solide éducation humaniste : grec, latin, lettres, arts… rien ne manque à sa formation. À Crémone, il apprend l’orgue, la viole, le chant et le contrepoint. Élève de Marc’Antonio Ingegneri, maître de chapelle et brillant madrigaliste, il fréquente l’école de la maîtrise de la cathédrale. À ce premier maître, il dédiera d’ailleurs ses premiers livres de madrigaux. En 1582, à peine âgé de quinze ans, il fait imprimer son premier recueil : les Sacrae cantiunculae, motets à trois voix. Dès ses débuts, Monteverdi comprend qu’être publié, c’est exister aux yeux des commanditaires, car depuis 1501, la musique imprimée circule dans toute l’Europe. Les partitions voyagent, les musiciens aussi : un réseau d’inspirations se crée. Monteverdi l’a bien compris. À vingt ans à peine, il publie déjà le meilleur de sa jeune plume : des messes dans un style sévère et, surtout, des madrigaux, pièces vocales polyphoniques, écrites sur des poèmes profanes, alors au sommet de leur popularité.
De Mantoue à Venise : des premiers succès à la célébrité européenne
Les premiers madrigaux
Son premier recueil de madrigaux à cinq voix est publié en 1587. Les partitions reprennent des textes de célèbres poètes de l’époque, en particulier Giovanni Battista Guarini et Torquato Tasso, mais aussi des vers d’auteurs anonymes. C’est ce recueil qui va propulser le nom de Monteverdi sur la scène italienne et plus largement européenne. Quelques années plus tard, vers 1590, son Deuxième Livre de Madrigaux paraît et lui ouvre les portes de la cour du duc de Mantoue, où il est engagé comme violiste et chanteur. À la fin du 16e siècle, Mantoue est l’une des cours les plus brillantes d’Italie. Monteverdi y côtoie des artistes majeurs, comme le maître de chapelle Giaches de Wert, et le poète Guarini, dont il a déjà mis les vers en musique. En parallèle, ses voyages au service du duc élargissent son horizon. Nommé maître de chapelle en 1601, puis chef d’orchestre et maître de musique après Benedetto Pallavicino, le compositeur italien s’impose rapidement comme une figure de la vie culturelle mantouane.
La découverte du dramma per musica et la composition de L'Orfeo
À partir du 17e siècle, Monteverdi s’intéresse surtout au madrigal, pièce vocale polyphonique qui reprend un poème profane. Il innove en y intégrant le chant soliste, empli d'émotions, accompagné d’instruments. Pour lui, l’usage excessif du contrepoint nuit à la clarté et à la sincérité de l’expression ; il lui préfère un idéal épuré et puissant. Le contrepoint n’est plus utilisé que pour renforcer l’intensité dramatique. Cette révolution suscite les critiques de nombreux contemporains, notamment du théoricien Giovanni Artusi, qui y voit un sacrilège. Monteverdi lui répond dans la préface de son Cinquième Livre de madrigaux (1605) : « Les esprits novateurs pourront acquérir la certitude que le compositeur moderne bâtit ses œuvres en les fondant sur la vérité ». Le recueil introduit également la basse continue, donnant à l’instrumental un rôle central. De ces transformations naît en 1607 L’Orfeo, premier grand dramma per musica et acte fondateur de l’opéra. L’œuvre reprend les principes de ses madrigaux : chant soliste récité, musique qui suit le texte et premiers signes de tonalité. Ce style, appelé seconda prattica, s’oppose à la prima prattica défendue par Artusi, et ouvre la voie à l'illustre genre du bel canto.
Les années vénitiennes
En 1613, son employeur, le duc de Mantoue, est mort et l’état des finances de la ville est au plus mal. Après vingt ans de services plus ou moins reconnus, Monteverdi est enfin libre. Il est élu à la charge de Maître de Chapelle de la basilique Saint-Marc, à Venise, et accède alors à l’un des postes les plus prestigieux de la musique italienne. À Saint-Marc, il se consacre principalement à la musique sacrée, tout en poursuivant ses madrigaux : le Sixième Livre (1614) et le Septième Livre (1619) prolongent ses innovations vocales et instrumentales. Son Huitième Livre de Madrigaux (1638), Madrigali guerrieri e amorosi (« Madrigaux de la guerre et de l’amour »), rassemble des œuvres composées sur plus de trente ans, dont le Lamento de la nymphe et Le Combat de Tancrède et Clorinde (1624), pièce destinée à une représentation scénique pour le carnaval. Admiré et recherché, Monteverdi répond à des commandes d’opéras et de ballets pour d’autres villes italiennes, parmi lesquels Andromède (1618-1620), Le Rapt de Proserpine (1630) et Le Mariage d’Énée à Lavini (1641), aujourd’hui perdus. Au début des années 1640, il crée ses deux derniers opéras majeurs : Le Retour d’Ulysse dans sa patrie (1641) et Le Couronnement de Poppée (1642-1643), pour le Carnaval de Venise. Monteverdi meurt de la fièvre à l’hôpital public de Venise en novembre 1643. Son œuvre tombe dans l’oubli jusqu’au 20e siècle, jusqu’à ce que le chef d’orchestre autrichien Nikolaus Harnoncourt mette en lumière son immense héritage.
L'œuvre de Claudio Monteverdi, un pilier de la musique classique occidentale
Claudio Monteverdi, père de l'opéra
Considéré comme l’un des pères fondateurs de l’opéra, Claudio Monteverdi est le premier à publier une œuvre opératique complète, L’Orfeo (1607), alors que ses contemporains, comme Cavalli, se limitaient à des intermèdes musicaux mêlant musique et danse. Cet opéra raconte l’histoire tragique d’Orphée et d’Eurydice, aimants maudits séparés par la jalousie des dieux. Chef-d’œuvre pour orchestre et chanteurs, son compositeur lui préfère la qualification de « fable musicale ». Il la compose sur le principe du récitatif, avec un chant très proche de la parole et un accompagnement instrumental minimal, visant à faire entendre le texte et l’émotion avant tout. Du succès de L’Orfeo suivront de nombreux opéras, dont seuls nous sont parvenus L’Orfeo, Il ritorno d’Ulisse in patria, le Lamento d’Arianna et L’incoronazione di Poppea, célèbre pour son duo d’amour. Par ces œuvres, Monteverdi fonde le dramma per musica, qui marque la genèse de l’opéra italien. Au fil du 17e et du 18e siècle, le genre gagne en virtuosité : les airs chantés se développent et le bel canto prend le pas sur le récitatif. Cette évolution conduit à l’émergence des deux grands héritiers de l’opéra : l’opera seria, noble, sérieux et souvent tragique, et l’opera buffa, comique, léger et populaire. Grâce à son œuvre et à son esprit profondément novateur, la génial Claudio Monteverdi a posé les fondations de l’opéra tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Ses recueils de madrigaux
Reconnu comme le maître du madrigal, Claudio Monteverdi occupe une place centrale dans l’histoire de ce genre vocal italien. Entre 1587 et 1638, il compose près de 200 madrigaux répartis en huit livres et transforme progressivement la polyphonie complexe héritée de la Renaissance en un langage plus direct, expressif et dramatique. Si les premiers livres restent fidèles à la polyphonie a cappella, avec plusieurs voix tissées en équilibre, dès le Cinquième Livre, Monteverdi introduit la basse continue et des accompagnements instrumentaux. La musique devient le prolongement direct du texte : elle souligne le sens des mots et en amplifie la clarté et l’émotion. Avec les Livres VII et VIII, notamment les Madrigali guerrieri e amorosi (« Madrigaux de la guerre et de l’amour », 1638), il intensifie la dimension dramatique. Dissonances, contrastes et rythmes agités mettent en exergue la tension et la passion qui imprègnent ces textes et donnent au madrigal un caractère quasiment scénique. À travers ces recueils, Monteverdi pose les bases dont héritent le bel canto et l’opéra italien des 17e et 18e siècles.
Son œuvre de musique sacrée
Héritier de la Renaissance et contemporain de la magie du baroque, Monteverdi s’impose également comme un compositeur majeur de musique sacrée. À Mantoue, il publie en 1610 les Vespro della Beata Vergine (les « Vêpres de la Vierge »), œuvre monumentale qui combine plain-chant, psaumes, hymnes, Magnificat et concerts sacrés. La composition associe jusqu’à huit voix, en chœurs ou en solos, ainsi que des instruments. Elle alterne passages polyphoniques traditionnels et sections empruntant la seconda prattica développée dans ses madrigaux, ce qui confère aux Vêpres une place unique dans l’œuvre de Monteverdi. À Venise, en tant que maître de chapelle de la basilique Saint-Marc, Monteverdi publie le recueil Selva morale e spirituale (1640‑1641), qui regroupe motets, psaumes, messes et hymnes pour des effectifs variables, du solo à huit voix, avec ou sans instruments. Ordonné prêtre en 1632, il compose également la Messa a quattro voci, publiée posthume, et plusieurs psaumes remarquables par leur écriture concertante qui mêle tradition et innovations, adaptés à la liturgie comme aux grandes cérémonies de Saint-Marc.
