Andrew Kennedy et Laura Claycomb remarquables dans une mise en scène poignante de Robert Lepage.
Tom Rakewell (« le parfait roué ») et Anne Trulove (« la bien aimante ») rêvent naïvement à leur future union lorsque Nick Shadow (« l'ombre diabolique ») annonce à Tom qu'il vient d'hériter d'un oncle inconnu à la fortune considérable. Exultant, Tom part à Londres régler les formalités administratives en compagnie de Nick, recruté comme valet, qui ne tarde pas à débaucher le jeune homme dans les bordels londoniens. Angoissée par l'absence de Tom, Anne part à sa recherche pour finalement s'apercevoir que celui-ci s'est marié avec l'exubérante Baba la Turque. Toujours sous l'influence néfaste de Nick, Tom se lance dans de malheureuses entreprises commerciales qui le ruinent et l'obligent à vendre aux enchères le reste de ses biens. Nick Shadow réclame alors au jeune homme ruiné son âme en guise de paiement.
Prenant autant pour modèle Faust que le cycle La Carrière du Débauché de William Hogarth, série de huit gravures représentant la chute progressive d'un jeune héritier gaspillant sa fortune et finissant dans la misère et la folie, Stravinsky et Wystan Hug Auden nous offrent un chef-d'œuvre néo-classique aux accents mozartiens. Mais The Rake's Progress est avant tout une fable morale, dont l'épilogue révèle la fragilité de notre volonté face aux tentations matérielles et frivoles. Sans jamais toutefois condamner, les auteurs nous livrent un portrait subtil d'un jeune homme plus vulnérable et naïf que réellement coupable.
La poétique mise en scène de Robert Lepage nous plonge dans les États-Unis des années 1950. Les sonorités brillantes de l'orchestre de la Monnaie sous la direction de Kazushi Ono accompagnent un casting remarquable, avec Andrew Kennedy dans le rôle de Tom Rakewell et Laura Claycomb incarnant magnifiquement la constance et la charité sous les traits d'Anne Trulove.