La naissance du quatuor à cordes

Le quatuor à cordes est une forme très prisée des compositeurs, et ce depuis le 18e siècle. Les premières œuvres composées pour deux violons, un alto et un violoncelle semblent nous parvenir de Sammartini (né vers 1700 et décédé en 1775), prolifique artiste qui laissa derrière lui des dizaines de partitions de musique profane et sacrée. Mais c’est Boccherini, grand maître de la musique de chambre, et, surtout, Joseph Haydn (considéré comme le père de la symphonie ET du quatuor à cordes !), qui établissent les canons du genre. Les deux musiciens se lancent, chacun de leur côté, dans la composition d’œuvres pour ces effectifs à peu à près à la même époque, c’est-à-dire vers les années 1760 : entre 1757 et 1760 pour les Quatuors « à Fürnberg » de Haydn, et 1761 pour les six quatuors op. 1 de Boccherini (publiés en 1767). La composition de ces pages est même une étape clef dans la carrière de Haydn, puisqu’elle lui permet de se faire connaître dans les milieux aristocratiques viennois, alors qu’il n’a que 25 ans. À cette époque, ces œuvres ne sont pas encore qualifiées de « quatuors », mais de « divertimentos pour quatuor à cordes » (Haydn n’emploiera le terme allemand Quartett qu’à partir de 1781, pour désigner ses Quatuors à cordes op. 33). Ces quatuors à cordes précoces sont alors de véritables nouveautés, nées « spontanément », c’est-à-dire sans qu’aucune forme musicale précédente n’en soit à l’origine (à la manière dont l’Ouverture à l’italienne a évolué en symphonie). Dans l’écriture de Boccherini et Haydn, ces œuvres sont donc des partitions pour quatre instruments à cordes de la même famille, traités à égalité, sans basse continue. Le nombre de mouvements n’est alors contraint par aucune règle : les Quatuors « à Fürnberg » de Haydn sont en cinq mouvements, dont deux menuets, tandis que les quatuors du premier opus de Boccherini en comptent trois (un rapide, un lent et un rapide, qui est parfois un menuet). Mozart, grand admirateur de Haydn, à qui il dédiera l’un de ses cycles de quatuors, suivra les canons établis par ses illustres prédécesseurs, en trois mouvements pour le premier cycle, puis en quatre. Le quatuor à cordes, par sa forme simple et épurée, est un terrain idéal pour expérimenter. Beethoven mettra cela largement à profit ! Si le maître allemand reconnaît dans ses premiers quatuors à cordes l’héritage laissé par Haydn et Mozart, il le dépasse dans les œuvres des deux groupes suivants (qui comprennent les quatuors « Razoumovski » et les cinq derniers quatuors, dont la Grande fugue) et produit des œuvres largement en avance sur leur temps. D’ailleurs, aux critiques acerbes de son Quatuor n° 7 dont la structure du premier mouvement a dérouté le public, il répondit ceci : « Ce n’est pas pour vous, c’est pour les temps à venir ». Il ne fallut pas attendre longtemps pour trouver chez les compositeurs romantiques un écho favorable à ces œuvres innovantes, qui comptent aujourd’hui parmi les meilleurs quatuors à cordes, puisque Schumann lui-même ne tarira pas d’éloges dessus.

Le quatuor à cordes du romantisme à nos jours

En effet, à l’époque romantique, l’intérêt des compositeurs pour le quatuor à cordes ne faiblit pas. Il devient même un trésor de la musique de chambre ! Le répertoire s’étoffe considérablement, en particulier en France et en Allemagne (mais pas exclusivement : Dvořák composera 14 quatuors à cordes), et ce malgré un débat virulent dans le monde musical d’alors, opposant aux défenseurs de la musique à programme les partisans de la musique pure, pour qui le quatuor à cordes constitue le genre idéal, propice à l’écoute de la musique pour elle-même. De grands maîtres de la musique de chambre s’emparent alors du sujet et composent des pages qui compteront parmi les meilleurs quatuors à cordes de l'histoire : Mendelssohn, Schumann, Brahms, Schubert nous lèguent des œuvres d’une qualité incomparable. Durant la période moderne, le quatuor à cordes se présente différemment aux yeux des compositeurs. Certains y voient un terrain d’expérimentation (tel Schönberg, qui innovera aussi bien en matière de structure, en ajoutant par exemple une voix de soprano dans son Quatuor n° 2 en fa dièse mineur, que dans les mélodies), tandis que d’autres choisissent de poursuivre tout en la renouvelant la tradition des pères du quatuor (Chostakovitch, notamment, qui s'inspirera des œuvres de Haydn, Mozart et Beethoven). Après la Seconde guerre mondiale, le quatuor à cordes reste un passage incontournable dans l’œuvre des compositeurs, même pour ceux qui le perçoivent comme un genre dépassé, et même s’il fait l’objet d’un bouleversement de ses codes. On peut noter par exemple le Quatuor pour la fin du temps de Messiaen : composé pour violon, violoncelle, clarinette et piano (donc pas tout à fait un quatuor à cordes, certes…), il a la particularité (l’audace, même !) d’être descriptif et de narrer une scène inspirée de l’Apocalypse de saint Jean. Cette forme musicale chérie des défenseurs de la musique pure se prête alors à la musique à programme !

Le quatuor à cordes, une formation musicale d’exception

Comme nous l’avons déjà dit, le terme de quatuor à cordes désigne donc non seulement les œuvres composées pour ces effectifs, mais aussi l’ensemble d’artistes qui les interprète. Ce type de formation musicale est d’autant plus impressionnant qu’il n’y a, naturellement, pas de chef d’orchestre pour les diriger ! Et à quatre instrumentistes, la tâche peut s’avérer ardue s’il n’y a pas entre eux une certaine complicité. Au 18e siècle, les membres des quatuors à cordes ne sont pas fixes, à l’exception du premier violon, souvent un artiste connu, autour duquel gravitent les trois autres membres. Cette hiérarchisation entre les instruments évoluera avec le temps, en fonction de l’évolution des canons du genre ! En effet, aux prémices du quatuor à cordes, le premier violon occupe souvent une place prédominante dans la partition : c’est à lui que revient la mélodie principale. Au fil du temps, les quatre voix s’équilibrent et les formations se stabilisent. Les quatuors à cordes sont des ensembles fascinants, à l’histoire riche ! Certains ensembles existent depuis des décennies… Le plus ancien quatuor à cordes toujours en activité est le Quatuor du Gewandhaus de Leipzig, fondé en 1808. Ce prestigieux ensemble a donc eu l’honneur d’assurer la première de nombreuses œuvres bien connues du répertoire, de Beethoven, Mendelssohn, Dvořák, et bien d’autres. Parmi les quatuors notables de la scène actuelle, on peut citer le Quatuor Emerson, ensemble américain fondé en 1976 (et qui cesse ses activités en octobre 2023 après près de 50 ans d’existence), le Quatuor Arditti, formation anglaise née en 1974 et spécialisée dans la musique contemporaine, le Quatuor de Jérusalem, fondé en 1993 et expert du répertoire de Chostakovitch, ou encore le Quatuor Danel, le Quatuor Diotima, le Quatuor Ébène et le Quatuor Modigliani, quatre remarquables ensembles français fondés respectivement en 1991, 1996, 1999 et 2003. Il est intéressant de voir que les quatuors à cordes sont appréhendés comme une seule unité, au point qu’il existe même des concours de quatuors à cordes, tels que le Concours international de Quatuors à cordes de Bordeaux, ou le Concours de Genève (dont les épreuves varient chaque année). Il existe également des festivals dédiés au quatuor à cordes, comme la Biennale de quatuors à cordes de la Philharmonie de Paris !

Vous voilà maintenant parés pour découvrir notre playliste dédiée au meilleur des quatuors à cordes ! Sur cette page, vous trouverez une sélection de 10 œuvres qu’il nous semble essentiel de connaître, et qui sont disponibles sur medici.tv, la meilleure plateforme de streaming de musique classique.