Les compositeurs se sont souvent nourris du matériau littéraire, dont il ont fait une source d'inspiration inépuisable. De Purcell à Debussy, retrouvez ici une sélection spéciale de chefs-d'œuvres musicaux inspirés par notre patrimoine littéraire !
C'est au théâtre que l'on doit chercher les premières traces de collaboration entre des compositeurs et des écrivains. En effet, à l'origine, les pièces sont souvent représentées accompagnées par un petit orchestre en fosse, qui rythme les transitions, souligne le caractère d'un personnage ou exprime l'atmosphère d'une situation. Au 17e siècle, l'anglais Henry Purcell compose l'ouverture et la pantomime pour plusieurs pièces d'après Shakespeare, comme le Timon of Athens (Timon d'Athènes) en 1678 puis La Tempête en 1690 (version de Dryden). C'est deux ans plus tard à peine qu'il livre l'un de ses plus grands chefs-d'œuvres, The Fairy Queen, semi-opéra adapté du célèbre Songe d'une nuit d'été.
L'opéra nécessite par ailleurs un « argument » qu'une pièce de théâtre ou un roman peuvent aisément fournir. Au 18e siècle, avec Don Giovanni et Les Noces de Figaro, Mozart se fait le champion de la transposition à l'opéra de pièces de théâtre. À cette époque, de nombreux récitatifs subsistent dans le genre lyrique. Au 19e siècle et avec l'avènement de l'ère Romantique, qui porte aux nues des romans ou pièces emblématiques de toute une génération, la reprise de chefs-d'œuvres littéraires est pratiquement devenue un exercice de style pour les compositeurs. L'exemple le plus frappant est sans doute Giuseppe Verdi, qui s'inspire lui aussi de William Shakespeare pour Macbeth, Otello, Falstaff et Le Roi Lear, mais aussi d'Alexandre Dumas et de sa Dame aux camélias pour La Traviata. Né la même année, Richard Wagner, se plonge dans la littérature médiévale pour en tirer sa tétralogie, son Lohengrin ou encore son Tristan et Isolde. Défenseur de « l'art total », Richard Wagner a rompu avec la tradition belcantiste en manifestant pour un genre lyrique qui n'évoluerait pas au détriment du théâtre. Un peu plus tard, Tchaïkovski transpose à l'opéra le chef-d'œuvre de Pouchkine, Eugène Onéguine ; Puccini rencontre le succès avec Manon Lescaut d'après l'abbé Prévost ; Massenet reprend Les Souffrances du jeune Werther de Goethe et Debussy s'approprie le Pelléas et Mélisande de Maëterlinck.
Les chorégraphes ont perpétré cette tradition en permettant au répertoire de ballet de se renouveler grâce à des sujets littéraires. Ainsi, en 1890, Petipa chorégraphie La Belle au bois dormant d'après le conte popularisé par Perrault et les frères Grimm. Au 20e siècle, Kenneth MacMillan redonne vie à la Manon Lescaut de l'abbé Prévost et Rudolf Noureev fait de Cendrillon une icône hollywoodienne. En 2011, Christopher Wheeldon s'inscrit dans cette tradition en créant un ballet intitulé Alice's Adventures in Wonderland, d'après Lewis Carroll.
Mais l'utilisation de la littérature en musique n'appelle pas forcément la mise en scène propres à l'opéra et au ballet. Le compositeur peut se servir de poèmes pour composer des mélodies et des Lieder. C'est le cas de Schubert, qui réutilise la poésie de Wilhelm Müller pour composer La Belle Meunière ou Le Voyage d'hiver. C'est le cas aussi de nombreux compositeurs français du 20e siècle comme Francis Poulenc, fervent admirateur de Guillaume Apollinaire, ou André Caplet qui s'amuse à mettre en musique les fameuses Fables de La Fontaine (on peut retrouver ici Le Corbeau et le renard chanté par Susan Graham).
Cette sélection propose aussi plusieurs morceaux symphoniques, soit parce qu'ils appartiennent à une œuvre lyrique ou initialement composée pour le ballet (comme la suite de danses de Roméo et Juliette de Prokofiev, également disponible dans sa version arrangée pour le piano et jouée par Evgeny Kissin, ou l'ouverture de Manfred, dont le livret a été rédigé par Lord Byron d'après Goethe), soit parce qu'ils revendiquent ouvertement leur influence littéraire (comme Kikimora de Liadov, inspiré de la mythologie slave ou Rakastava de Sibelius, composé d'après le Kanteletar, ce recueil de poèmes et chansons populaires finnois compilé à la fin du XIXème siècle et célébrant la poésie nationale). Cette sélection est également l'occasion pour vous de découvrir Nicholas Angelich dans la « Deuxième année » des Années de Pélerinage (nouveauté catalogue). Dans ce livre intitulé « Italie », Franz Liszt déverse tout un patrimoine littéraire proprement italien, et mentionne ouvertement deux auteurs majeurs de la culture occidentale : Pétrarque et Dante.